J'imagine que nous sommes de nombreux écrivains à avoir connu cette expérience. Nous sommes sur un salon littéraire, à attendre qu'un grand lecteur – si possible
futur acheteur – daigne s'intéresser à notre humble production quand enfin, il arrive. Et ce dernier commence à nous parler des 2000 livres qu'il a lu la semaine dernière. En étant persuadé, bien
sûr que, nous aussi, nous avons lu, la semaine écoulée, ces mêmes 2000 livres... Alors on opine poliment du bout du nez, on dodeline la tête pour sous-entendre que l'on sait et esquissons même,
parfois, un savant sourire énigmatique. Bien sûr, ces 2000 livres, nous ne les avons, pour la plupart jamais lu. Au mieux, nous en avons vaguement entendu parler. C'est que, souvent, les
écrivains lisent « le plus possible ».
Ce qui, en vrai, se résume souvent à pas grand chose. Pas par faute d'intérêt bien sûr.
Mais lorsque l'on sait ce que gagne un auteur (lire à ce sujet notre chronique) , on en conclut que les écrivains – du moins ceux qui ne sont ni bien né, ni bien marié ou qui n'ont pas gagné au
loto – et bien ces écrivains – la grande majorité donc - doivent, pour gagner leur vie, avoir un métier à côté. Alors, puisqu'en plus du temps consacré au travail, ils passent des périodes
chronophages à écrire, alors donc, s'ils veulent éviter le divorce, l'échec scolaire de leur progéniture et gérer un minimum les innombrables taches du quotidien... et bien, pour lire, il ne
reste pas beaucoup d'instants. J'en suis le premier navré.